Justice énergétique, questions à Anthony Cellier, membre du Collège de la CRE
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La justice énergétique, concept juridique encore méconnu en Europe, transcende pourtant les frontières et s’inscrit au cœur des préoccupations mondiales énergétiques.
La justice énergétique, telle qu’elle est définie aujourd’hui, vise à garantir une transition énergétique équitable. Le concept juridique, quant à lui, se présente en trois branches distributive, procédurale, recognitive en s’appuyant notamment sur deux notions de justice, « cosmopolitaine » et « restaurative ». La première, cosmopolitaine, rappelle que l’accès à l’énergie s’inscrit dans un monde qui ne connaît pas de frontières et que nos décisions peuvent entraîner des conséquences au-delà de leur périmètre initial. La seconde, restaurative, invite à réparer les inégalités et à construire un avenir énergétique plus juste.
Si aux États-Unis, la notion de justice énergétique est solidement ancrée, qu’en est-il en Europe ? C’est toute la question posée par le colloque organisé le mardi 8 avril au sein de la Commission de régulation de l’énergie et intitulé « La Justice Energétique, un concept fédérateur dans la lutte contre le changement climatique ».
Anthony Cellier, commissaire à la CRE qui a ouvert la conférence, revient sur la manière dont les missions de la CRE s’imbriquent dans ce cadre d’analyse.
La notion de justice énergétique est peu connue en Europe, contrairement aux Etats-Unis. Comment peut-elle s’intégrer dans la grille de compréhension européenne ?
Anthony Cellier : La justice énergétique semble être un principe évident dont la France pourrait être un parangon : permettre à tout individu d’accéder de manière équitable à l’énergie, quelle que soit sa situation géographique et économique. Toutefois, les crises que nous avons traversé ont mis en évidence la fragilité de nos principes de justice énergétique, poussant les gouvernements à mettre en place des dispositifs exceptionnels de protection des consommateurs.
En questionnant le concept de justice énergétique, nous nous projetons dans un monde qui honore les valeurs d’équité, de solidarité et de durabilité. Nous faisons face avec responsabilité et pragmatisme à l’impact inévitable des conséquences du changement climatique et de l’adaptation inévitable de nos systèmes.
Comment la CRE peut-elle concilier ses missions, principalement d’ordre économique avec les enjeux de justice énergétique ?
Anthony Cellier : La CRE est avant tout un régulateur, et sa mission principale réside effectivement dans la dimension économique du secteur énergétique, avec une spécificité, puisqu’elle se fait avant tout au bénéfice des consommateurs. Le bénéfice du consommateur, c’est la sécurité d’approvisionnement, la transition énergétique et un prix le plus juste possible, trois marqueurs au cœur de notre travail quotidien. Nous sommes dans l’équilibre complexe de l’intérêt général et de l’intérêt du consommateur, tout en veillant au respect des règles de droit.
Mais la CRE ne se contente pas d’être un simple arbitre économique. Nous avons des principes que nous défendons, à l’image de la péréquation tarifaire en électricité. Que ce soit dans les Outre-mer ou en métropole, notre conviction est que tout le monde devrait payer le même tarif réseau, sans distinction géographique. C’est pour nous un élément de solidarité nationale indéniable et précieux, un élément de justice énergétique.
Comment intégrer la dimension cosmopolitaine de la justice énergétique dans les travaux de la CRE ?
Anthony Cellier : La justice cosmopolitaine est au cœur de notre environnement de travail à la Commission de régulation de l’énergie. Notre rôle ne se limite pas à des décisions techniques et économiques, mais s’étend bien au-delà.
Nous prenons des décisions qui ont un impact local, touchant les citoyens au plus près de leur quotidien. En tant que régulateur national, nous sommes conscients de notre responsabilité envers chaque individu. Cependant, notre système énergétique dépasse les frontières nationales. Car si nous veillons au bon fonctionnement des marchés de l’énergie, nous régulons également les opérateurs des réseaux français, qui eux-mêmes évoluent dans un système énergétique pleinement européen que nous accompagnons, aussi bien physiquement, avec les interconnexions, qu’économiquement et philosophiquement avec les règles communes qui orientent nos travaux. Cette notion cosmopolitaine se reflète donc déjà dans le fonctionnement du système énergétique d’aujourd’hui.